Le photographe (1893 - 1986) a laissé une œuvre majeure faite de douces rêveries et de moments gais. Fasciné par la vitesse et la beauté de son époque, il n’aura cessé de la magnifier avec son geste d’artiste. Tour d’horizon de cette épopée photographique.
Jacques Henri Lartigue, Florette dans la Morgan, Provence, 1954
Des champs de coquelicot et une voiture de luxe juste derrière… Les couleurs chaudes de la Méditerranée avec son modèle, Florette, qui prend un bain de soleil… Un bond sur la plage à côté d’un chien qui court… Jacques Henri Lartigue s’est fait une spécialité d’attraper les tableaux joyeux qu’il avait sous les yeux. À la fois peintre et photographe, il a toujours cherché à capter le mouvement du monde, au point d’être fasciné par la vitesse et les appareils technologiques permettant de l’atteindre.
Il n’a que six ans lorsqu’il prend la première photographie de sa vie en 1902. Un portrait de famille, dans la maison de vacances de Pont-de-l’Arche en Normandie et avec l’appareil photo de son père. Issu d’une famille très aisée, il est très tôt initié à cet art et recevra peu de temps après un appareil pour son anniversaire. Il se photographie dans son bain, à l’âge de huit ans et déjà s’essaye avec son frère Maurice, surnommé « Zissou », à enregistrer le mouvement des choses. Il fera par exemple une série de photographies de sa bonne en train de lancer un ballon vers le ciel et tentera de fixer le moment où le ballon est le plus haut dans l’air.
Avec son frère, ils font les quatre-cents coups et surtout essayent de construire une machine pour voler. Ils sont captivés par les nouveaux engins de ce début du XXème siècle : voitures de course, trains et premiers avions. Un intérêt que Jacques Henri Lartigue va conserver toute sa vie, réalisant les photographies de courses automobiles les plus emblématiques de l’histoire de l’art.
Jacques Henri Lartigue, Une Voiture de Course Singer, Avenue des Acacias, Paris, 1912
Heureux
Mais Jacques Henri Lartigue n’est pas seulement un féru des sports à la mode dans cette première partie du XXème siècle, il s’intéresse aussi beaucoup à la joie de vivre. Il se plaît à photographier des lieux de villégiature, comme lorsqu’il fait une halte dans le Sud de la France ou bien en Italie du Nord. Il montre le plaisir des skieurs sur des pistes alpines ou le repos langoureux de sa belle Florette au bord d’une piscine. Il cristallise avec l’appareil photo toutes les bonnes humeurs de la vie.
Il dira ainsi à son éditeur : « La seule chose qui m’intéresse est de réussir ce que je veux faire. On peut faire de la beauté à partir de choses angoissantes et prétendument laides. Certains peintres et certains photographes l’ont fait. Et naturellement on peut aussi faire des œuvres très mauvaises et ridicules avec des sujets choisis dans la laideur. En ce qui concerne la tendance à choisir presque systématiquement les sujets pénibles, cela va avec une maladie de notre époque qui fait que les hommes se préparent leur purgatoire. (…) C’est une affaire de goût. Moi j’aime mieux être heureux et souriant plutôt que malheureux et pleurnichard. »
La joie comme fil conducteur d’une œuvre photographique qui ne sera découverte que dans le tard de la vie du photographe. C’est à l’âge de 69 ans, en 1963, que le musée du Moma à New York décide de l’exposer. Il devient alors connu et reconnu, troquant une vie discrète pour une consécration tardive, ému de voir que ses photographies peuvent toucher un public. Il laissera pas moins de 117 577 négatifs, dont un tiers en couleur. Célébrant toujours des moments heureux, il affirmera à propos de la plage : « C’est l’endroit le plus immense de la Terre. On peut y courir « sans limites » et personne ne vous crie de faire attention. Rien n’empêche plus mes yeux de voler ni de voguer sans fin dans la distance. »
© Jacques Henri Lartigue
Par Jean-Baptiste Gauvin