L’inconnu, les artistes de la grotte de Chauvet

Découverte en 1994, la grotte de Chauvet-Pont d’Arc comporte des peintures et gravures parmi les plus anciennes du monde. Des animaux qui côtoyaient les hommes d’autrefois et qui furent célébrés sur les parois de ce lieu d’exception, changeant à jamais notre regard sur l’Histoire de l’Art.

Histoire(s) de l'art
2 min ⋅ 20/05/2023

Fauves de la grotte ornée de Chauvet-Pont d'ArcFauves de la grotte ornée de Chauvet-Pont d'Arc

Que voulaient exprimer nos ancêtres de la préhistoire en recouvrant les murs de cette grotte il y a 34 000 ans ? Était-ce un culte singulier offert aux puissances de la nature et oublié par des couches d’histoire ? Était-ce simplement des souvenirs de chasse où l’individu rapportait une image en plus de l’animal abattu ? Un grand mystère entoure les peintures et gravures de la grotte de Chauvet-Pont d’Arc : dans quel cadre furent-elles réalisées ? avec quelle émotion ? dans quel but ? Les questions ne manquent pas, mais nous pouvons tout de même remarquer quelques éléments qui font de ces œuvres un trésor pour l’humanité - la grotte est d’ailleurs inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2014.

Ce qui frappe d’abord c’est l’incroyable profusion des dessins. En tout 447 représentations d’animaux dont les plus fréquentes consistent en des félins, principalement des lions des cavernes, mais aussi des mammouths et des rhinocéros laineux. Trois espèces disparues et trois espèces que nous pouvons juger « dangereuses » pour l’homme. Ces animaux n’étant pas ou peu représentés dans la grotte de Lascaux. Il faut aussi imaginer qu’autant de temps nous sépare de Lascaux qu’il y a entre Lascaux et la grotte de Chauvet. Cette dernière est donc l’un des témoignages les plus anciens et directs à propos d’animaux qui vivaient sur Terre et qui ne sont plus là.

Autre aspect extraordinaire : la puissance du dessin. Les peintures et gravures rupestres de la grotte offrent une qualité esthétique exceptionnelle. Le trait est fin et dégagé. Ce qui a entraîné une révision de l’Histoire de l’Art en prouvant qu’une vision linéaire et liée à un quelconque progrès ne serait plus valable, les artistes de Chauvet ayant l’acuité des grands peintres les plus récents.

Un rhinocérosUn rhinocérosDieux



De fait, nous pouvons comparer la justesse d’un trait de Matisse ou Picasso avec celle d’un artiste de Chauvet. Il y a une même épure qui participe au style général de ces représentations animales dont nous pouvons observer la précision des formes. Les artistes se servaient en particulier de charbon de bois pour tracer les bêtes qu’ils voulaient représenter, accentuant ainsi la force du dessin. Ils les faisaient à l’aune de torches en feu - ou lampes à huile - et donc dans une quasi obscurité.

Quand il la découvre, Jean-Marie Chauvet préconise de ne pas l’ouvrir au public. Il faut éviter ce qui est arrivé à la grotte de Lascaux : que les peintures s’effacent peu à peu au contact de l’air apporté par les visiteurs. Le site est donc fermé au public et une réplique grandeur nature a ouvert non loin des lieux, ce qui permet d’observer les dessins dans de bonnes conditions.

Ce qui demeure est l’énigme de ces représentations. Pourquoi des animaux et non pas l’homme en lui-même ? Comme si les bêtes d’alors avaient des statuts de dieux, étaient vénérées en autant d’entités divines. Les dessins de Chauvet pourraient ainsi être des rituels magiques, des appels à l’aide pour les grandes chasses aux Rennes, une identification au lion des cavernes par exemple… À un endroit de la grotte, un crâne d’ours a été retrouvé. Il est posé sur une sorte d’autel naturel et laisse entendre qu’un véritable culte était mené alors autour des grands animaux sauvages.

Les rhinocérosLes rhinocéros

Par Jean-Baptiste Gauvin

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